Ce qui est bien avec les enfants, c'est que nous devenons des magiciens. Nous créons des Pères Noël, des fées, des petites souris, nous courons après des balles, nous jetons des paillettes, nous soufflons dans des ballons et sur des bougies. Nous devenons démiurges, nous donnons vie à des personnages et à des univers entiers. De temps en temps, nous y croyons même un peu.
Mais parfois, la magie s'en va. Les enfants grandissent. La vie nous accable. Le monde va mal. Nous regardons la misère, la violence, la méchanceté, l'envie, le mépris, les guerres, les crises sanitaires, la pauvre condition humaine. On en a déjà marre au bout de trois lignes. On a envie d’hurler son indignation. On peut se demander légitimement : que faisons-nous ici ? Comment pouvons-nous continuer à vivre si petitement ? Mais je crois que c'est justement là que vient se nicher la vie. La pulsion de vie, celle qui nous donne de la force, du courage, de la résilience, et du bonheur. Dans ce qu'il y a parfois de plus petit, de plus insignifiant. Dans la légèreté, l'espoir et la beauté, même dans les moments les plus sombres.
Cela peut paraître naïf, rebattu, consensuel, pourtant, je crois que le jeu est le ciment d'une communauté, qu'elle soit une fratrie, une famille, une classe, une cour de récréation, un chœur, une nation... et nous aspirons tous à ce sentiment d'appartenance. Sous la légèreté, il y a cette sécurité, cette reconnaissance mutuelle de co-équipiers. Et la magie revient. Quand nous jouons. Aux cartes, aux dés, au ballon, au bébé. Quand l'enfant paraît à nouveau, petits-enfants, neveu ou nièce, qu'il nous invente un rôle. Sans parler de nous, les saltimbanques, les poètes, ceux pour qui le jeu est devenu une essence. Mais artiste ou pas, et peu importe notre âge, le bonheur est intrinsèquement lié à notre capacité à rêver et à jouer.
Ainsi, Oh La La La ! est née d'une envie de légèreté, et de trans générationnalité. Hommage à un siècle à la fois douloureux et truculent, le répertoire invite à une forme de nostalgie, mais aussi à beaucoup de tendresse. Née une première fois en octobre 2022 pour nos seniors, cette reprise est augmentée d'une première partie créée pour les enfants de la maîtrise éphémère de l'Opéra de Dijon.
Cette première partie, Petit un, évoque un terrain de jeu imaginaire où tout est possible, grâce à la spontanéité et la créativité des enfants. Avec eux, le jeu est une forme pure et instinctive de recherche et de compréhension du monde, une quête, une exploration joyeuse de l'inconnu... et des voisins.
En seconde partie, l'action reprend dans une rue, plus réaliste, qui fait oublier un temps les souvenirs de l'enfance. Mais, les grands n'aspirent-ils pas toujours à retrouver cette légèreté ? C'est un des enfants qui fera rebasculer ce monde d'adultes d'abord dans la magie, puis le jeu, et enfin peu à peu dans une forme de promenade onirique. Onirique, non pas parce qu'elle est absurde, mais parce qu'elle répond à la logique de la rêverie, à savoir un principe d'association d'idées, d'images et d'émotions nées d’une expérience. Ne serait-ce pas également une bonne définition du jeu? On y revient toujours. Après tout, cela se passe sur scène.